Cote Magazine

COLORFUL [ ARTY ]

Par Lauriane Zonco, pour Cote Magazine

FR

En Technicolor


S’il est un artiste que la couleur n’effraie pas, c’est bien lui. Le Genevois John Armleder, dont les œuvres s’ornent souvent de coulées et de flaques lumineuses, dissèque pour nous le prisme coloré de ses réalisations conceptuelles.

Attablé dans un café de la ville qu’il affectionne, John Armleder s’apprivoise facilement, avec une affabilité qu’on apprécie d’autant plus qu’il ne doit pas être évident pour un artiste de commenter sa propre oeuvre, et encore moins le pourquoi et le comment des techniques utilisées. Mais nous sommes ici pour parler couleurs, et Armleder se plie volontiers à l’exercice, tant celle-ci apparaît aux néophytes que nous sommes comme un élément central de son oeuvre. Il a pourtant commencé à l’encre de chine, avant il est vrai de s’approprier la couleur jusqu’à en créer, à force de mélanges et de réactions chimiques.

A la manière d’un Yves Klein ? Pas le genre de cet artiste qui se voit comme « un passeur ; c’est le regardeur qui crée l’oeuvre et la transforme ». Et ce d’autant plus que « personne ne voit les couleurs de la même manière », une petite bizarrerie de la nature qui ajoute encore plus de poids à l’argumentaire d’Armleder, à savoir que la couleur « vit sa propre vie dans l’oeuvre. J’ai peu de contrôle sur cet élément car les réactions chimiques engendrées par les mélanges de textures et de pigments créent des effets indépendants de ma volonté », ce qui lui fait dire dans un sourire qu’il finit par faire « de la peinture rouge avec du vert ».

Ces jeux de hasard servent en réalité parfaitement le propos du Genevois, qui n’aime rien tant qu’à brouiller les pistes, lui qui ne nomme pas ses tableaux à dessein, accumule les couleurs et en surcharge volontairement ses toiles. Il ne ressent « aucun désir de contrôler cet aspect » de ses oeuvres, peu guidé par une « idée conservatrice ce que devrait représenter une couleur. Il y a autant d’interprétations que de gens et de cultures. Je préfère donc laisser faire le hasard et surtout ceux qui regardent ».

L’art contemporain s’avère-t-il un medium de choix pour explorer toutes les facettes de la couleur ? Armleder en doute, lui qui a ressenti ses premières émotions artistiques face au bleu profond des peintures de Giotto datant du Moyen-Age. De la même manière, aucune technique de prédilection dans son oeuvre pour mettre en scène la couleur : « Tant qu’on est dans la représentation, on utilise certaines techniques de préférence, pour reproduire certaines couleurs ou au contraire les modifier jusqu’à donner à voir ce que l’on veut donner à voir, comme dans le pointillisme ou l’impressionnisme ». Armleder, pour sa part, passe indifféremment de l’huile à l’aquarelle. Sur les toiles, les coulées et les flaques se forment et se déforment, laissant à chacun la liberté de voir ce qu’il veut bien voir dans ces traces colorées.

UK

Technicolour


If there’s an artist who has no fear of colour, it’s him. Genevan John Armleder, whose work is often splashed with bright spills, dissects the colour prism of his conceptual pieces for us.

Sitting in one of his favourite cafés, John Armleder has an open manner and warmth that we appreciate, especially as it can’t be easy for an artist to talk about their own work never mind explaining the how and why behind his techniques. But we’re here to talk about colours and Armleder is ready to tackle it as, novices that we are, it seems to be key to his art. He started out in India ink before delving into colour to make it his own with mixtures and chemical reactions.

Like Yves Klein? That’s not how the artist sees it. He sees himself as “an escort; the viewer is the one who creates the piece and transforms it.” On top of that, “nobody sees colour in the same way,” a natural oddity which gives even more weight to Armleder’s argument that colour “lives its own life in the piece. I have little control over this element as chemical reactions caused by mixing textures and pigments create results outside my control.” He smiles at this and says he ends up making “red paint with green.”

These games of chance perfectly encapsulate the Genevan’s words who likes nothing more than putting up a smokescreen. He deliberately doesn’t name his paintings, collects colours and overloads his canvases on purpose. He has “no desire to control that aspect” of his work and doesn’t really believe in the “conservative idea of what a colour should mean. There are as many meanings as there are people and cultures. I prefer to leave things to chance and especially to the people looking at the pieces.”

Is contemporary art a prime way to explore every facet of colour? Armleder suspects so. He had his first artistic thrill when he saw the deep blue in Giotto’s medieval paintings. In the same way, he has no favourite technique for showcasing colour in his work: “Since this is portrayal, there are certain techniques we like to reproduce certain colours or alter them to present what we want to present, like in pointillism or impressionism.” Armleder, however, moves easily from oil to watercolour. Spills and puddles on his canvases comes together and drift apart giving everyone the freedom to see what they want to see in these colourful insights.